Le docteur J-M. Gomas à souhaiter lui rendre hommage :
UN BEL ACCOMPAGNEMEMENT : merci Loïc !
Le Dr Loïc REVILLON avait créé en novembre 1987, une des toutes première unité de Soins Palliatifs du service public à l’hôpital de Saint-Malo, suivant de peu celle crée par le Dr Maurice Abiven à l’hôpital universitaire de Paris .
Cardiologue de formation, il était alors chef d’un service de moyen séjour où beaucoup de malades décédaient dans des conditions peu satisfaisantes pour tous : patients, famille, soignants.
Entouré de quelques professionnels et des premiers bénévoles de l’époque, avec peu de moyens mais beaucoup d’énergie, soutenu par la certitude d’une vraie nécessité il s’est lancé dans l’aventure avec enthousiasme : Période de pionniers où tout était à inventer.
Co-fondateur de la SFAP en 1989 (Société française pour l’accompagnement et les soins palliatifs), il était de tous les congrès où il ne se déplaçait jamais sans « son équipe » Il avait également créé un organisme de formation car il avait le souci de sensibiliser un maximum de personnes aux soins palliatifs qui pour lui étaient devenu rapidement « soins continus » pour souligner la nécessité d’un accompagnement sans rupture entre le « curatif » et le « palliatif ».
Les pionniers du mouvement se souviennent sûrement encore de ce formidable congrès national SFAP (le 3 ème !) à Saint-Malo en 1992, préparé par Loïc et toute son équipe
Toute sa vie, Loïc a été un militant, souvent dérangeant, mais toujours chaleureux, généreux, attentif et a grandement contribué à jeter les bases d’une vision saine des soins palliatifs.
Médecin au grand cœur, mais provocateur et dérangeant, authentique dans ses engagements, il a dirigé son service jusqu’en 2000 , ou le destin l’a rattrapé au décours d’une chimiothérapie sous la forme d’un accident vasculaire cérébral qui l’a laissé hémiplégique et aphasique . Il avait 53 ans .
Pendant 20 ans, il a assume son handicap avec courage et dignité . Privé de parole , de lecture et d’écriture, il a conservé sa mémoire, son intelligence ….et son humour .
Son épouse Dominique nous raconte cette période :
« Tout au long de ces années , dans cette vie réinventée, il a fait preuve d’un courage et d’une dignité sans bornes et nous faisait comprendre qu’il restait fidèle à ses convictions à savoir que la vie méritait d’être vécue jusqu’au bout et que pour lui l’euthanasie n’était pas une solution acceptable .
Depuis foin 2022 son état s’était aggravé et pour la 1ère fois il manifestait sa lassitude de cette vie handicapée et son désir de mourir.
Une courte hospitalisation fût nécessaire pour faire le point et mettre en lumière une nouvelle évidence : La médecine curative n’avait plus de sens, nous passions dans les soins de confort ,avant la phase soins palliatifs proprement dite.
Rédaction des directives anticipées, désignation de la personne de confiance, tout était clair depuis longtemps.
C’est un dernier défi qui nous attendait nos enfants et moi : Jusqu’à la mort accompagner sa vie à notre domicile .
Accompagner c’est : « se joindre à quelqu’un pour aller où il va en même temps que lui » (Petit Robert), en sachant que dans le cas présent il nous faudrait le laisser aller seul pour le grand passage.
Accompagner, c’est accueillir : ses souffrances, ses peurs, ses mouvements d’humeur, mais aussi ses sourires, ses regards , ses gestes d’amour.
Mais accompagner c’est en premier lieu soulager : Les anti douleurs de force croissante jusqu’à la salvatrice pompe à morphine, les anxiolytiques qui lèvent les angoisses sans assommer.
Accompagner c’est respecter : Son temps à lui, le temps de Sa fin de vie. Ses souhaits les plus simples comme un dernier apéritif avec nous 48h avant sa mort.
Accompagner c’est résister : Résister à la fatigue, aux nuits blanches aux bouffées d’angoisse.
Résister au sourire ironique du médecin lorsque je refuse le lit médicalisé car je veux continuer à dormir auprès de mon mari.
Résister au médecin du SAMU qui 2 jours avant sa mort veut que je l’envoie aux urgences pour lui poser une sonde et me reproche « d’être bornée ».
Afficher un visage impassible à l’aide soignante qui 3 h avant sa mort, alors qu’il est dans le coma, me dit sans méchanceté : « ça peut durer 1 semaine et là c’est l’horreur et je ne vous le souhaite pas »
Accompagner c’est prendre soin jusqu’à l’intime de celui qui s’abandonne dans vos mains comme un petit enfant.
Accompagner c’est aussi accepter de se laisser accompagner :
Le coiffeur qui est venu lui offrir le plaisir d’une dernière coupe de cheveux.
Le médecin de SOS médecins qui a répondu présent à chacun de mes appels au secours avec compétence, bienveillance et humour
L’infirmière à domicile qui est venue l’installer sur son lit de mort avec douceur, respect, presque avec tendresse.
Les messages d’amitié, le soutien invisible des pensées affectueuses, des prières.
Loïc a pu nous sourire, échanger par le regard jusqu’à la veille de sa mort dans nos bras, le 23 mars 2023.
Pour nous comme un dernier cadeau : l’apaisement, la conviction d’avoir été fidèles à ce qu’il était, à ce qu’il nous avait transmis ».
Merci Loïc pour tout ce que tu nous as apporté.
Merci Dominique pour ce partage et ce témoignage de soins palliatifs « jusqu’au bout ».
Dr J-M Gomas